Marc Rossignol (°1954, Namur; vit et travaille à Bruxelles) est un autre fieffé amateur de brouillage de pistes. Lors d'une performance aux allures de rituel, il récitera un poème (Le chant des âmes retrouvées) de François Cheng, tout en traçant (des deux mains) des lignes entrelacées inspirées d'un dessin sur le sable du peuple Tchokwe. Soit la respiration d'un poème et le jaillissement d'un tracé, pour raconter des histoires de morts et d'esprits qui reviennent. Soit une énigme combinatoire (de formes et de langages entremêlés) qui - comme les entrelacs complexes de Léonard ou de Durer - permet de saisir d'un coup d'œil l'énergie qui anime l'univers.
Sandra Caltagirone
Le chant des âmes retrouvées.
Performance d’une durée d’une dizaine de minutes.
Je dessine et récite un poème. Le dessin est un “sona”, une protoécriture tchokwé, angola, Ce sona est appellé “Kalunga” et représente un cimetière. Le texte est de François Cheng , rien de plus français que François, rien de plus chinois que Cheng. François Cheng est sur la frontière eurasiene. Vivre sur les fontières, tel est notre destin. Le poème s’intitule le chant des âmes retrouvées et conclut un roman intitulé “Quand reviennent les âmes errantes”
“Cet ouvrage à la fois court et profond tient du conte des mille et une nuits, de la tragédie grecque, du récit historique, de l’épopée fondatrice et de la fable philosophique. Le roman narre les histoires très personnelles de trois personnages: une femme serveuse d’auberge, un musicien et un “combattant”, une passion d’amitié et d’amour les unit, une folle passion qui finira tragiquement en un temps troublé. Le livre s’achève sur un poème lyrique et mystique où se confondent les trois voix de ces belles âmes que rien, même la mort, ne peut séparer. C’est ce poème que je récite et dessine.
Le dessin est un “sona” que je trace à deux mains. Les sonas consituent une protoécriture pratiquée par les tchokwés au cours des rites d’initiation, leur tracé était accompagné d’un récit. Observer le déroulement de ces tracés monolinéaires participait de leur lecture, (le mot sona désigne aujour d’hui l’écriture). Le patron du “Kalunga” présente deux axes de symétrie perpendiculaires et est monolinéaire. C’est un algorythme qui a aussi été inventé par les habitants du Vanuatu en Océanie. Ces dessins constituent un sujet de prédilection pour les ethnomathématiciens qui espérent par ceux-ci permettre aux étudiants africains de se réapproprier le discours mathématique.
“Ayant fortement senti l’Exotisme, tous les Exotismes, de l’Espace (races,sexes), du Temps (amour du pqassé)... et cela d’une façon d’abord toute ingénue, je me suis demandé quel était l’élément commun de ces belles sensations et j’ai cru voir, que j’étais apte à flairer en tout le Divers...” ( Victor Segalen dans “Essai sur l’exotisme.)